« Si quelque chose doit changer, si nous voulons trouver le bonheur, il est fort improbable que l'on y arrive par l'extérieur, en bricolant seulement les structures de la société.

Franz Goetbeur.

Bouddhisme et société:

« Le Dharma, base de réflexion pour un monde nouveau»

(A la recherche de la 3e Voie)

Par Franz Goetbeur, président de l'Union bouddhiste européenne.

Notre socété se trouve confrontée à de grandes transformations, entend-on souvent dire, entre autre, dans la bouche des "altermondialistes". Cela montre à quel point nous n'avons pas la capacité de situer ou de décrire le phénomène. Les statistiques semblent montrer, en effet, que les gens ne se contentent pas de penser en terme de changement des structures de la société, mais qu'il veulent également faire un travail sur eux-même. Ces chiffres illustrent les voeux inexprimés de nombreux citoyens du monde. Les propos et les analyses concernant les dysfonctionnements sociaux ( méfiance, insécurité et leurs nombreuses conséquences) mais aussi concernant les nouveaux remèdes (résistance, résurgence de la conscience éthique, conscience de valeurs universelles, interhumanité) sont tous autant de symptômes d'une marée ascendante. Les autorités politiques, les pédagogues et les entrepreneurs feront bien d'en tenir compte... On entend également des maîtres bouddhistes s'exprimer en ce sens sur ces sujets de conscience collective et individuelle. Thich Nhat Hanh, par exemple, a expliqué que si chaque Américain se privait d'un verre d'alcool et de viande une fois par semaine, cela suffirait à nourrir la population de son pays d'origine pendant un an.

La récente présence du bouddhisme dans le débat public ajoute une nouvelle fleur au bouquet, pourtant déjà fort coloré, des cultures et des civilisations. Dans quelques générations, peut-être, les historiens, les philosophes et autres spécialistes pourront déterminer quel aura été l'impact du bouddhisme sur le monde occidental. Il y a aujourd'hui, des échanges intenses entre l'Orient et l'Occident. Les conférences Mind and Life à Dharamsala provoquent des rencontres entre d'éminents scientifiques et des philosophes bouddhistes, laissant entrevoir d'étonnants résultats dans le domaine des sciences cognitives, de la neurobiologie et de la philosophie des sciences. Beaucoup d'applications de cette pollinisation croisée entre l'Est et l'Ouest ont déjà fait leur chemin dans différents domaines, par exemple la technique de stress reduction de Kabat-Zinn, qui est utilisée dans les hôpitaux belges. On peut trouver d'autres exemples d'emprunt au bouddhisme dans le milieu des soins, de la psychologie et de l'épistémologie, pour n'en citer que quelques uns. Tout ceci a été discuté et illustré par des personnes disposant d'une expérience pratique importante pendant le congrès à Leuven, ( 900 participants ) en novembre dernier ( 2002 ), pour la première fois en Belgique.

Les implications sociales sont nombreuses et on cherche à jeter les bases d'une" troisième voie" pour l'humanité, qui ne serait fondée ni sur une idéologie communiste ni sur les notions de profit non partagé du capitalisme. Il y a donc là une base de réflexions à engager d'urgence pour ce grand chantier du 3e millénaire si l'on ne veut pas que les désordres sociaux, économiques, politiques et écologiques ne transforment la Terre en un immense holocauste. Les rapprochements qu'on peut faire entre le bouddhisme et l'entreprise en quête de justification sociale ne sont pas le fruit du hasard. Même si l' Occident a pu les emprunter à d'autres courants, il ne fait pas de doute que le bouddhisme a stimulé cette tendance existante.

La « forme » de notre esprit

Porter de l'attention à quelque chose et en même temps savoir renoncer à le contrôler. Comment est-ce possible? Laisser les choses prendre et suivre leur cours, de telle sorte que la vérité de la situation devienne manifeste, mais ne pas "se laisser marcher sur les pieds" pour autant. Est-ce possible? Quand on demande à des maîtres zen comment méditer, ils répondent qu'il faut "chercher sans chercher". Quelle est la signification de telles formules? Aujourd'hui de tels slogans font leur apparition dans des sessions pour les dirigeants d'entreprises. Dans la pratique de la méditation, on apprend à plonger spontanément jusqu'à l'essence des choses, des situations, des phénomènes et des personnes. La socièté dite "réactive" est celle qui sait apprendre à tous ses collaborateurs à discerner le jeu spontané des relations internes qui déterminent le fonctionnement entier de la firme, à "jouer avec" et à en tirer la plus belle mélodie. Nous pouvons supposer que les ouvrages publiés à ce jour sur le thème "bouddhisme et management" ont apporté une modeste contribution à la résolution non violente des conflits au sein de l'entreprise, à leur approche plus fine de la part des dirigeants et à la découverte en chacun de cette capacité particulière d'implication positive, de cette créativité et de cette force qui se libère quand le travail est perçu comme plein de sens. Il est évident que les gens travaillent mieux quand ils sont impliqués émotionnellement. Cela se produit naturellement quand on désire obtenir une chose, mais également lorsqu'on se rend compte du sens, de la cohérence des choses.

Le maître zen Bernie Classman, qui a quelque expérience du management, le dit sans ambages: "Et plus impliqués sont les ouvriers ou les employés, plus prospère est la communauté, et plus rentable sera l'affaire". la générosité, l'altruisme, la conscience de la nature souple et changeante de la réalité et la satisfaction rapportent donc aussi, de surcroît, l'argent. C'est la conclusion que l'on commence à tirer dans presque tous les domaines. Cela peut être source d'une économie substantielle. Quand on développe des qualités, les collaborateurs n'auront aucune peine à jouer sur les changements et apprendront à prendre la bonne décision au bon moment. La plupart des gens ne se sont pas rendu compte que les bouddhistes pouvaient aussi mettre la main à la pâte. On constate ainsi parfois avec beaucoup d'étonnement que des bouddhistes participent à des actions pour la protection de la nature, à des initiatives dans les prisons, ou aident dans l'écoute des victimes traumatisées par un accident.

Car la méditation n'exclut en rien l'action. La recherche du nirvana ( la libération ) consiste uniquement dans la suppression du samsara ( là ou règne la souffrance ). Réaliser cette suppression ne peut advenir que là où est c'est nécessaire. Et le nirvana ne s'atteint que dans le "ici et maintenant", au milieu même du samsara. Il n'y a tout simplement pas d'autre lieu possible où pratiquer le bouddhisme que dans la vie de tous les jours. "Nous n'avons besoin ni de temples, ni d'églises, ni de mosquées ou de synagogues, pas plus que de dogmes ou de principes philosophiques compliqués. Finalement, c'est le développement de certaines qualité humaines spécifiques qui constitue la meilleure base d'une vie salutaire et heureuse", affirme le Dalaï-Lama.

Lama Karta, enseignant résidant en Belgique, explique dans quel état d'esprit spécifique la confiance trouve son origine, sa croissance et son fonctionnement. Il s'agit d'un complément utile aux publications émanant des cercles éconnomiques. Lama Karta aborde la question suivante: d'où émane cette force tranquille, qui n'est pas dépourvue de vigilance et qui fait naître la confiance? On attend en effet des dirigeants économiques qu'ils soient vigilants et conscients dans leur actions, alors qu'ici on explique comment peut se développer une telle confiance (en soi). L'auteur décrit de façon subtile cette souplesse d'esprit qui seule donne une plus grande vision, une vision sur la situation dans son ensemble, souplesse d'esprit qui seule donne une plus grande vision, une vision sur la situation dans son ensemble, souplesse d'esprit qui ne peut germer que dans le terreau du silence intérieur, de la patience et de la clarté.

De telles qualités nécessitent une attitude positive, noble, et nous obligent à acquérir une connaissance juste de la réalité. Etre tout bonnement "un peu sympa" n'y suffit pas: nous devons devenir conscients de nos motivations et états d'esprit réels, aiguiser notre esprit afin d'être à même de pouvoir découvrir l'ampleur des conséquences de nos idées, paroles et actes. Mais le bouddhisme entend aller ici un peu plus loin. Si quelque chose doit changer, si nous voulons trouver le bonheur, il est fort improbable que l'on y arrive par l'extérieur, en bricolant seulement les structures de la société. Lama Karta dit: "Ce prétendu monde extérieur n'est que le miroir de notre état intérieur..." En réalité, chaque tradition spirituelle, qu'elle soit bouddhiste, chrétienne ou autre, propose des techniques ou des méthodes de transformation.

Et toutes s'accordent pour désigner l'attachement au "moi" comme le principal obstacle à cette transformation. Une telle manière de voir et de sentir change, de façon immédiate et profonde, les relations que nous développons avec les autres et correspond vraisemblablement à une vérité fondamentale: moins nous sommes égoïstes, plus grandes sont nos chances de trouver le bonheur. Les difficultés et les obstacles sont relativisé, une confiance cristalline grandit, qui se répercutera dans tout ce que nous entreprenons.

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