« J'ai pris conscience que rechercher la paix est moins dramatique que poursuivre la guerre. Mais l'homme de paix prêche souvent dans le désert. Pourtant rien n'est plus important pour nous que la paix.» J.F.Kennedy

LES AHL AL - KAHF:

( Ou les sept dormants d'Ephèse )

Ci dessus, copie d'une illustration tirée de:

"Histoire des prophètes et des rois du passé" Iran, 1581.

Selon la tradition musulmane, les sept dormants d'Ephèse sont appelés Ahl al Kahf ou Ashâb al - Kahf littéralement les gens de la caverne ou de la grotte auxquels une sourate du Saint Coran est consacrée ( la 18ème ). Il est très intéressant de constater ici la similitude entre ces deux histoire, celle de Platon d'abord, puis à présent celle de la dix-huitième sourate du Saint Coran bénit soit-il.

Mais de quelle histoire s'agit-il?

Plutôt que de se sacrifier aux idoles, sept jeunes martyrs d'Ephèse se laissèrent "enterrés vivants" dans une caverne, en l'an 250, sous le règne de l'empereur Dèce. Ils se réveillèrent miraculeusement de leur sommeil, 309 ans plus tard, selon le saint Coran, mais plus vraisemblablement vers l'année 448, et ce miracle, dûment constaté par la foule d'Ephèse, alors chrétienne, mit un terme aux discussions sur la résurrection.

S'ils sont les symboles, en Islam, de la confiance en Dieu, c'est aussi en tant que témoins de la résurrection qu'ils sont vénérés. Leurs sanctuaires, visités aussi bien par les pèlerins chrétiens que par les pélerins musulmans, sont répandu de la Bretagne à l'Afghanistan, de la Finlande au Yémen.

Un chien qui les accompagnait - que la tradition nomme Qitmir - est l'un des quatres animaux à avoir accès au Paradis.

LA SECONDE VIE DES SEPT DORMANTS.

Texte de Jules Lemaître:

( Source: http://pages.infinit.net/biblisem/contes/lemaisvd.htm )

C'était sept chrétiens d'Ephèse qui s'appelaient Maximien, Malchus, Marcien, Denis, Jean, Sérapion et Constantin. Murés vivants, au temps de l'empereur Dèce, dans une caverne du mont Célion, ils s'y étaient endormis par la volonté du Seigneur.

Or la trentième année du règne de Théodose, des maçons, ayant besoin de pierres, avaient ouvert la caverne; et les sept dormants s'étaient réveillés, croyant n'avoir dormi qu'une seule nuit. Mais on leur fit connaître qu'ils avaient dormi deux cent ans et que, durant leur sommeil, la religion chrétienne avait remplacé dans tout l'empire le culte des faux dieux.

Une procession vint chercher dans leur antre les sept dormants réveillés, pour les conduire à Ephèse. Après deux siècle de sommeil, ils avaient le teint fort reposé et des visages frais comme des roses. Et leur esprit avait gardé la même fleur de jeunesse.

Tandis qu'ils descendaient les sentiers de la montagne, ils tâchaient de se figurer ce qu'ils allaient voir.

Ils avaient laissé l'Eglise petite encore et persécutée, mais resplandissante des plus saintes vertus. Les chrétiens, alors pratiquaient la justice, la pauvreté, l'humilité, la charité, la chasteté. Maintenant que l'égilse était victorieuse et que l'empereur lui-même n'était que le premier des fidèles, le monde entier pratiquait sans doute ces vertus; et ce devait être un spectacle délicieux.

Ils s'imaginaient une immense socièté de frères s'entraidant et mettant leurs biens en commun; sobre, doux et purs, et animés d'une gaieté innocente; répandus dans des maisonnettes sous de beaux ombrages et chantant des cantiques du matin au soir; plus d'armée, de magistrat ni de police; bref, une ébauche terrestre du royaume de Dieu.

Ils entrèrent dans Ephèse par la porte principale, qui était surmonté d'une croix, gibet d'ignominie devenu signe d'honneur. Ils se réjouirent du son des cloches; ils virent avec satisfaction le nombre et la grandeur des églises, les boutiques où l'on vendait des crucifix et des images saintes, les inscriptions pieuses qui consacraient les édifices publics, et tout ce qui attestait le règne assuré de la religion nouvelle, de la foi pour laquelle ils avaient souffert deux siècle auparavant. ::

Mais aveuglés par l'éclat de la fête, assourdis par les acclamations, ils ne remarquèrent pas tout d'abord que, dans le moment où les femmes richement parées leur jetaient des fleurs du haut des galeries de leurs palais, des policiers repoussaient durement la foule des petites gens qui voulaient toucher les vêtements des septs triomphateurs ingénus.

On les mena dans les plus riche église d'Ephèse. On les installa dans des fauteuils dorés, devant l'autel. L'êvêque, étincelant d'or et de pierreries, célébra leur sainteté. Il expliqua qu'ils avaient été, dans les mains de dieu, les instruments d'un grand dessein. Car, des hérétiques s'étant élevé récemment qui niaient la résurection des morts, Dieu avait voulu les confondre en ressuscitant les sept martyrs.

L'église était toute revêtue de mosaïque, de marbre et de métaux précieux. Sous leur bure deux fois centenaire, qu'on les avaient laissée, soit par respect, soit par goût du pittoresque, les sept dormants étaient entourés de femmes élégantes et de haut fonctionnaires qui considéraient avec curiosité leurs visages roses et sans rides. Mais le menu peuple était refoulé dans le bas des nefs par de somptueux officiers d'église armés de hallebardes. Et les sept dormants se rappelaient la nudité des catacombes et l'égalité des premiers frères...

Ils furent à la mode. Un praticien donna pour eux un grand dîner. Ils étaient tellement étonnés de leur aventure, ou tellement déshabitués de la parole, qu'ils avaient peine à s'exprimer. Leur accent suranné faisait sourire. On les interrogeait sur ce qu'ils avaient éprouvé pendant leurs deux siècles de sommeil; ils répondaient qu'ils n'avaient rien éprouvé du tout. On les questionnait alors sur les moeurs, les usages et les évènements du temps de l'empereur Dèce; mais comme c'étaient des hommes simples et qui n'avaient jamais été de grands observateurs, ils ne faisaient que des réponses insignifiantes et brèves. On finissait donc par les laisser tranquilles et on parlait d'autre chose.

Il furent surprit que les dames qui étaient là observassent peu, dans leurs habits et même dans leurs discours, la modestie chrétienne. Une d'elles regardait l'un des martyrs, le plus jeune, de telle sorte qu'il fut contraint de baisser les yeux.

Les vins étaient exquis, les mets abondants autant que raffinés, et fort propres à émouvoir, dans les veines des convives, les puissances obscures du sang et de la chair. Les propos devinrent plus libres. Les sept dormants apprirent, par la conversation des autres invités, que maints fidèles des deux sexes manquaient couramment à la règle des moeurs; que beaucoup de ces hommes baptisés étaient avare, fourbes, menteurs, injustes, impudique; qu'ils avaient encore, non seulement des riches et des pauvres, mais des oppresseurs et des opprimés, et qu'un nombre infini de chrétiens vivaient exactement comme avaient vécu les adorateurs des faux dieux. Et ils virent aussi qu'il y avait toujours des esclaves, et que même on les traitait assez strictement.

Dans le couvent de moines où ils étaient logés, ils découvrirent, par les discussions auxquelles ils assistaient, que, depuis deux cent ans, la doctrine de l'Eglise s'était chargée de subtilités que les premiers fidèles avaient ignorées et où les sept dormants n'entendaient rien. On les prenait pour arbitres. Ils se récusaient honnêtement, ce qui diminuait leur prestige. Mais ils ne pouvaient s'empêcher de voir que ces savants moines, qui raffinaient tant sur le dogme, oubliaient la pratique des plus élémentaires vertus évangéliques et vivaient grassement du revenu des terres que leur avait données l'empereur, c'est à dire du travail des pauvres.

Quand les sept dormants se promenaient dans les rues, ils étaient scandalisés à chaque pas. Des femmes de mauvaises vies y tendaient aux passants leurs pièges diabolique. partout des théâtres, ou la pudeur était constamment offensée. Un jour, un entrepreneur de spectacle voulut les engager dans sa troupe. Il leur demandait de raconter au public leur histoire et leurs "Impressions" et de mimer ensuite quelques "scènes des catacombes". Et il s'ébahit de leur refus indigné.

Ils visitèrent les quartiers misérables. C'est là qu'à force de chercher ils trouvèrent enfin quelques âmes pareilles aux leurs. Mais ils ne concevaient pas que, dans un Etat où tous les citoyens et le souverain lui-même professaient la foi de L'Evangile, il pût y avoir de telles souffrances, et qu'on ne les secourût point.

Il se disaient: "Que fait donc l'Empereur?" Et, comme ils se disaient cela, ils apprirent que Théodose, empereur très chrétien, venait de faire égorger sept mille hommes dans l'hippodrome de Thessalonique.

Leur coeur, chaque jour, s'emplissait d'amertume. Ils étaient plus malheureux qu'au temps où, poursuivis et traqués par les infidèles, ils se terraient dans les tombeaux.

On avait compté qu'ils feraient des miracles; et Dieu n'ayant pas permis qu'ils en fissent, il en était résulté pour eux un peu plus de déconsidération. Et comme, en même temps, ils s'enhardissaient à blâmer les moeurs publique et privées, on avait fini par les trouver gênants.

Maintenant, c'était pire, on les oubliait. La curiosité qu'avait inspirée leurs cas s'était vite émoussée. Et ils en souffraient, quoiqu'ils fussent humble de coeur. Ils se sentaient dépaysés, même dans leur couvent, où leur sainteté semblait archaïque et fossile. Ils s'y ennuyaient, et cependant ils n'avaient plus le courage d'en sortir.

Un jour qu'ils racontaient à un vieux prêtre plein d'expérience leur déception et leur douleur d'avoir trouvé si peu de différence entre les moeurs de l'empire chrétien et celles de la vieille société païenne, et qu'ils se demandaient avec angoisse: "Le christ serait-il venu en vain?" le vieillard répondit: Mais non, mais non. Ne vous frappez pas! Il y a tout de même du changement, je vous assure. Il y a malgré tout plus de vertu et de douceur, un affinement de la conscience, un enrichissement de la sensibilité morale. Il existe de par le monde des âmes très saintes, d'un héroïsme tout nouveau, et dont on avait pas vu d'exemplaires aux siècles païens...

Quant aux autres...c'est déjà quelque chose de connaître et d'accepter la vérité, même si on n'y conforme pas toute sa conduite...Nous avons beaucoup de bonnes morts, ou, tout au moins, de morts correctes...La foi nouvelle opère un bien considérable chez les barbares; elle adoucit leur rudesse, elle les plie à la pitié, elle les dompte par l'espoir ou l'appréhension d'une autre vie...Vous vous plaigniez que les préceptes de l'Evangile ne soient pas strictement observés? Mais il faut bien avouer d'abord que ni le commerce, ni l'industrie, ni l'art, ni les intérêts et la défense d'un grand empire ne sauraient toujours s'en accomoder. Je ne les vois entièrement praticables que dans de petits groupes d'artisans, de laboureurs ou de pasteurs errants. Je dirrai plus: une socité fondée sur ces préceptes absolus de renoncement, d'égalité, de pauvreté en commun, ne serait viable que si tous ses membres à la fois les observaient, autrement dit, s'ils étaient tous des saints sur quoi il serait peu résonnable de compter...L'Eglise a dû atténuer la rigueur de ces commandements, et elle à bien fait: car, s'il arrivait un jour que certaines de ces maximes fussent professées hypocritement et appliquées par des hommes sans vertu et sans foi, elles n'engendreraient que le désordre et l'anarchie...Ces préceptes extrêmes proposent un idéal vers lequel on doit tendre dans la vie privée: introduits dans les institutions, ils y seraient inefficaces ou dangereux...car enfin...

Mais les sept dormants, de surprise et d'horreur, s'étaient voilé la face.

Le vieux prêtre reprit sans s'émouvoir: Vénérables frères, si vous deviez prendre si mal les choses, pourquoi vous êtes-vous réveillés?

Les sept dormant continuèrent quelques temps leur vie douloureuse et scandalisée. Une tradition ( suspecte, il est vrai ) rapporte que deux d'entre eux tournèrent mal. Le plus jeune, Malchus, se laissa prendre aux artifices d'une femme perverse, à qui il parut plaisant de séduire un miraculé et d'avoir pour ami un jeune homme de deux cent vingt ans. Un autre, Maximien, prétendit rétablir dans sa pureté la religion corrompue. Il prêchait dans les carrefours, tonnant contre les riches et les prêtres, et ne réussit qu'à se faire mettre en prison.

La douleur, la détresse et l'ennui des cinq autres dormants en furent redoublés. Ils comprirent qu'ils ne pourraient jamais s'accoutumer aux choses qu'ils avaient revues; et, un soir, ils prièrent Dieu de les rendormir jusqu'au jugement dernier.

Le Lendemain, on les trouva morts dans leur cellules. Leur visages avaient gardé " la fraicheur des roses ".

( N'oublions pas que la Rose symbolise: "L'évolution de l'âme humaine" )

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