« Connais le blanc adhère au noir sois la norme du monde. Quinconque est la norme du monde, la vertu constante ne s'altère pas en lui. Il retrouve l'illimité».

Tao te King.

Le blanc / le noir

(ou l'union des contraires)

Le symbole maçonnique du "pavé mosaïque" (tessellated pavement) est de ceux qui sont souvent insuffisamment compris ou mal interprétés; ce pavé est formé de carreaux alternativement blancs et noirs, disposés exactement de la même façon que les cases de l'échiquier ou du damier. Nous ajouterons tout de suite que le symbolisme est évidemment le même dans les deux cas, car, ainsi que nous l'avons dit en diverses occasions, les jeux ont été, à l'origine, tout autre chose que les simples amusements profanes qu'ils sont devenus actellement, et d'ailleurs le jeu d'échecs est certainement un de ceux où les traces du caractère "sacré" originel sont demeurées le plus apparentes en dépit de cette dégénérescence.

Au sens le plus immédiat, la justaposition du blanc et du noir représente naturellement la lumière et les ténèbres, le jour et la nuit, et, par suite, toutes les paires d'opposés ou de complémentaires (il est à peine besoin de rappeler que ce qui est opposition à un certain niveau devient complémentaire à un autre niveau, de sorte que le même symbolisme est également applicable à l'une et à l'autre); on a donc là, à cet égard, un exact équivalent du symbole extrême-oriental du yin-yang. On peut même remarquer que l'interpénétration et l'inséparabilité des deux aspects yin et yang, qui sont représentées dans ce dernier cas par le fait que les deux moitiés de la figure sont délimitées par une ligne sinueuse, le sont ici aussi par la disposition enchevêtrée des deux sortes de carreaux, tandis qu'une autre disposition, comme par exemple celle de bandes rectilignes alternativement blanches et noires, ne rendrait pas aussi nettement la même idée et pourrait même plutôt faire penser à une justaposition pure et simple.

Il serait inutile de répéter à ce propos toutes les considérations que nous avons déjà exposées ailleurs en ce qui concerne le yin et le yang; nous rappellerons seulement d'une façon plus particulière qu'il ne faut voir dans ce symbolisme, non plus que dans la reconnaissance des dualités cosmiques dont il est l'expression, l'affirmation d'aucun "dualisme", car si ces dualités existent bien réellement dans leur ordre, leurs termes n'en sont pas moins dérivés de l'unité d'un même principe (Le Tai-Ki de la tradition extrême orientale "à l'origine rouge et noir!"). C'est là en effet un des points les plus important, parce que c'est celui-là surtout qui donne lieu à de fausses interprétations; certains ont cru pouvoir parler de "dualisme" au sujet du yin et du yang, probablement par incompréhension, mais peut-être aussi quelquefois avec des intentions d'un caractère plus ou moins suspect; en tout cas, pour ce qui est du" pavé mosaïque", une telle interprétation est le plus souvent le fait des adversaires de la maçonnerie, qui voudraient baser là-dessus une accusation de "manichéisme". Il est assurément très possible que certains "dualistes" aient eux-mêmes détourné ce symbolisme de son véritable sens pour l'interpréter conformément à leurs propres doctrines, comme ils ont pu altérer pour la même raison les symboles exprimant une unité et une immutabilité inconcevables pour eux; mais ce sont là en tout cas que des déviations hétérodoxes qui n'affectent absolument en rien le symbolisme en lui-même, et, quand on se place au point de vue proprement initiatique, ce ne sont pas de telles déviations qu'il y a lieu d'envisager.

Maintenant, outre la signification dont nous avons parlé jusqu'ici, il y en a encore une autre d'un ordre plus profond, et ceci résulte immédiatement du double sens de la couleur noire, que nous avons expliqué en d'autres occasions; nous venons de considérer seulement son sens inférieur et cosmologique, mais il faut aussi considérer son sens suppérieur et métaphysique. On en trouve un exemple particulièrement net dans la tradition hindoue, où celui qui est initié doit être assis sur une peau aux poils noirs et blancs, symbolisant respectivement le non-manifesté et le manifesté; le fait qu'il s'agit ici d'un rite essentiellement initiatique justifie suffisamment le rapprochement avec le cas du "pavé mosaïque" et l'attribution expresse de la même signification à celui-ci, même si, dans l'état actuel des choses, cette signification a été complètement oubliée. On retrouve donc là un symbolisme équivalent à celui d'Arjuna, le "blanc", et de Krishna, le "noir", qui sont, dans l'être lui-même, le mortel et l'immortel, le "moi" et le "Soi"; et, puisque ceux-ci sont aussi les "deux oiseaux inséparablement unis" dont il est question dans les Upanishads, ceci évoque encore un autre symbole, celui de l'aigle blanc et noir à deux têtes qui figure dans certains hauts grades maçonniques, nouvel exemple qui, après tant d'autres, montre une fois de plus que le langage symbolique a un caractère véritablement UNIVERSEL.

«Symboles fondamentaux de la science sacrée», (Gallimard)- Sources Planète plus Avril 1970 René Guénon l'homme et son message pages 77 et 80.

Yin et Yang

(Yin/noir et Yang/blanc)

La tradition extrême-orientale, dans sa partie proprement cosmologique, attribue une importance capitale aux deux principes ou, si l'on préfère, aux deux "catégories" qu'elle désigne par les noms de yang et de yin: tout ce qui est actif, positif ou masculin est yang, tout ce qui est passif, négatif ou féminin est yin. Ces deux catégories sont rattachées symboliquement à la lumière et à l'ombre; en toutes choses, le côté éclairé est yang, et le côté obscur est yin; mais, n'étant jamais l'un sans l'autre, ils apparaissent comme complémentaires beaucoup plus que comme opposés. Ce sens de lumière et d'ombre se trouve notamment, avec son acception littérale, dans la détermination des sites géographiques; et le sens plus général où ces mêmes dénominations de yang et de yin s'étendent aux termes de tout complémentarisme a d'innombrables applications dans toutes les sciences traditionnelles.

Il est facile de comprendre, d'après ce que nous avons déjà dit, que yang est ce qui procède de la nature du ciel, et yin ce qui procède de la nature de la terre, puisque c'est de ce complémentarisme premier du Ciel et de la Terre que sont dérivés tous les autres complémentarismes plus ou moins particuliers; et, par là, on peut voir immédiatement la raison de l'assimilation de ces deux termes à la lumière et à l'ombre. En effet, l'aspect yang des êtres répond à ce qu'il y a en eux d'"essentiel" ou de "spirituel", et l'on sait que l'esprit est identifié à la lumière par le symbolisme de toutes les traditions; d'autre part, leur aspect yin est celui par lequel ils tiennent à la "substance", et celle-ci, du fait de l' "inintelligibilité" inhérente à son indistinction ou à son état de pure potentialité, peut être définie proprement comme la racine obscure de toute existence. A ce point de vue, on peut dire encore, en empruntant le langage aristotélicien et scolastique, que yang est tout ce qui est "en acte" et yin tout ce qui est "en puissance", ou que tout être est yang sous le rapport où il est "en acte" et yin sous le rapport où il est "en puissance", puisque ces deux aspects se trouvent nécessairement réunis dans tout ce qui est manifesté.

Le ciel est entièrement yang et la terre est entièrement yin, ce qui revient à dire que l'Essence est acte pur et que la substance est puissance pure; mais eux seuls le sont ainsi à l'état pur, en tant qu'ils sont les deux pôles de la manifestation universelle; et, dans toutes les choses manifestées, le yang n'est jamais sans le yin ni le yin sans le yang, puisque leur nature participe à la fois du ciel et de la terre. Si l'on considère spécialement le yang et le yin sous leur aspect d'éléments masculin et féminin, on pourra dire que, en raison de cette participation, tout être est "androgyne" en un certain sens et dans certaines mesure, et qu'il l'est d'ailleurs d'autant plus complètement que ces deux éléments sont plus équilibrés en lui; le caractère masculin ou féminin d'un être individuel ( il faudrait, plus rigoureusement, dire principalement masculin ou féminin) peut donc être considéré comme résultant de la prédominance de l'un ou de l'autre. Il serait naturellement hors de propos ici d'entreprendre de développer toutes les conséquences qu'on peut tirer de cette remarque; mais il suffit d'un peu de reflexion pour entrevoir sans difficulté l'importance qu'elles sont susceptibles de présenter, en particulier, pour toutes les sciences qui se rapportent à l'étude de l'homme individuel sous les divers points de vue où celui-ci peut être envisagé. Nous avons vu que la Terre apparaît par sa face "dorsale" et le ciel par sa face "ventrale"; c'est pourquoi le yin est à "l'extérieur", tandis que le yang est "à l'intérieur". En d'autres termes, les influences terrestres, qui sont yin, sont seules sensibles, et les inflences célestes, qui sont yang, échappent aux sens et ne peuvent êtres saisies que par les facultés intellectuelles. Il y a là une des raisons pour lesquelles, dans les textes traditionnels, le yin est généralement nommé avant le yang, ce qui peut sembler contraire à la relation hiérarchique qui existe entre les principes auxquels ils correspondent, c'est à dire entre le ciel et la terre, en tant qu'ils sont le pôle supérieur et le pôle inférieur de la manifestation; ce renvcersement de l'ordre des deux termes complémentaires est caractéristique d'un certain point de vue cosmologique, qui est aussi celui du Sânkhya hindou, où Prakriti figure de même au début de l'énumération des tattvas et Purusha à la fin. Ce point de vue, en effet, procède en quelque sorte "en remontant", de même que la construction d'un édifice commence par la base et s'achève par le sommet; il part de ce qui est le plus immédiatement saisissable pour aller vers ce qui est plus caché, c'est à dire qu'il va de l'extérieur à l'intérieur, ou du yin au yang; en celà, il est inverse du point de vue métaphysique, qui, partant du principe pour aller aux conséquences, va au contraire de l'intérieur à l'extérieur; et cette considération du sens inverse montre bien que ces deux points de vue correspondent proprement à deux degrés différents de réalité. Du reste, nous avons vu ailleurs que, dans le développement du processus cosmogonique, les ténèbres, identifiées au chaos, sont "au commencement", et que la lumière, qui ordonne ce chaos pour en tirer le Cosmos, est "après les ténèbres"; cela revient encore à dire que, sous ce rapport, le yin est effectivement avant le yang.

Le yang et le yin, considérés séparément l'un dans l'autre, ont pour symboles linéaires ce qu'on appelle les "deux déterminations" (eul-i), c'est à dire le trait plein et le trait brisé, qui sont les éléments des trigrammes et des hexagrammes du Yi-king, de telle sorte que ceux-ci représentent toutes les combinaisons possibles de ces deuc termes-combinaisons qui constituent l'intégralité du monde manifesté. Le premier et le dernier hexagramme, qui sont Khien et Khouen, sont formés respectivement de six traits pleins et de six traits brisés; ils représentent donc la plénitude du yang, qui s'identifie au ciel, et celle du yin, qui s'identifie à la terre; et c'est entre ces deux extrêrmes que ce placent tous les autres exagrammes, où le yang et le yin se mélangent en proportions diverses, et qui correspondent ainsi au développement de toute la manifestation. d'autre part, ces deux mêmes termes yang et yin, lorsqu'ils sont unis, sont représentés par le symbole qui est appelé pour cette raison yin-yang, et que nous avons déjà étudié ailleurs au point de vue où il représente plus particulièrement le "cercle de la destinée individuelle". Conformément au symbolisme de la lumière et de l'ombre, la partie claire de la figure est yang, et sa partie obscure est yin; et les points centraux, obscur dans la partie claire et clair dans la partie obscure, rappellent que, en réalité, le yang et le yin ne sont jamais l'un sans l'autre. En tant que le yang et le yin sont déjà distingués tout en étant unis (et c'est en cela que la figure est proprement yin-yang), c'est le symbole de l'"Androgyne" primordial, puisque ses éléments sont les deux principes masculin et féminin; c'est aussi, suivant un autre symbolisme traditionnel plus général encore, l'"Oeuf du monde", dont les deux moitiés, lorsqu'elles se sépareront, seront respectivement le ciel et la terre. D'un autre côté, la même figure, considérée comme formant un tout indivisible, ce qui correspond au point de vue principiel, devient le symbole de Tai-Ki, qui apparait ainsi comme la synthèse du yin et du yang, mais à la condition de bien préciser que cette synthèse, étant l'unité première, est antérieure à la différenciation de ses éléments, donc absolument indépendante de ceux-ci; en fait, il ne peut être proprement question de yin et de yang que par rapport au monde manifesté, qui, comme tel, procède tout entier des "deux déterminations". ::

Ces deux points de vue suivant desquels le symbole peut être envisagé sont résumés par la formule suivante: «Les dix mille êtres sont produits (tsao) par Tai-i ( qui est identique à Tai-Ki, modifiés (houa) par yin-yang», car tous les êtres proviennent de l'unité principielle, mais leurs modifications dans le "devenir" sont dues aux actions et réactions réciproques des "deux déterminations".

Source: Planète plus René Guénon textes choisis pages 81, 82 et 84."La grande Triade", Gallimard.

DECIDEMENT il est partout ce yin-yang!

(Source Allen Tsai: www.chinesefortunecalendar.com/yinyang.htm)

Prenez une perche en bois, plantez-la perpendiculairement au sol, quelque part dans l'hémisphère nord. Tracez un cercle, divisez-le en 24 quartiers égaux correspondant à 24 périodes de 15 jours, soit au total une année (365,25 jours exactement). Mesurez la longueur de l'ombre projetée par la perche tous les 15 jours et reportez-la sur les 24 rayons de votre cercle. Du solstice d'été (21 Juin: ombre portée minimale) jusqu'au solstice d'hivers (21 Décembre: ombre portée maximale), reportez la longueur depuis la périphérie du cercle vers le centre, à l'image de l'énergie de vie qui est animée d'une dynamique de concentration. Du solstice d'hivers à celui d'été, reportez-la depuis le centre vers la périphérie, tout comme l'énergie de vie est animée d'une dynamique d'expansion. Puis reliez entre-eux tous les points que vous avez positionnés. Vous y êtes? Vous obtiendrez la figure suivante.

C'est ce qu'ont fait les anciens chinois en s'appuyant sur leur calendrier divisé en 24 segments selon les positions du soleil sur le zodiaque. Le résultat vous rappelle quelque chose?

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